[Visite] 1933 l’ancien abattoir de Shanghai

Voici un lieu bien étrange. Un lieu que l’on m’avait conseillé d’aller visiter il y a bien longtemps. Mais en connaissant son utilité première: l’ancien abattoir de Shanghai, j’étais mitigé quant à une visite. En parallèle, j’ai régulièrement vu passer des photos de ce lieu et je me suis toujours demandé comment un tel lieu pouvait être un abattoir.

Il y a deux ans, une visite était organisé par le cercle francophone de Shanghai. Je ne sais plus pourquoi, je n’avais pas eu l’occasion de la joindre et j’étais finalement déçu de l’avoir loupé. L’an dernier, comme je travaillais, la question ne s’est pas posé. Mais cette année, quand j’ai vu apparaître la visite sur le site, je me suis dit qu’il ne fallait pas que je la rate. Et j’ai bien fait!

Lundi matin, j’ai donc quitté la maison juste après avoir déposé Little Smiling Buddha dans le bus scolaire pour me rendre à HongKou. J’ai pris le bus parce que j’ai remarqué qu’un bus passant non loin de chez moi m’emmenait jusqu’au lieu de rendez-vous. 45 minutes plus tard, j’étais sur place.

Au passage, je dois dire qu’avec le vélo, le bus est mon moyen de transport préféré à Shanghai. Je trouve le métro trop long, les distances lors des changements sont généralement très longues, et j’ai toujours l’impression de perdre un temps fou à tourner dans les stations pour trouver la bonne sortie. Shanghai a un réseau de bus très bien répartit et dans la mesure où il n’y a pas de changement, le bus est souvent plus rapide que le métro. L’inconvénient, il n’y a pas vraiment d’indications d’horaire – on sait que le bus passe toutes les 15 minutes, mais pas plus. Et en plus, c’est vraiment peu cher 2 RMB le voyage – soit 0,25 euros le voyage…

De l’extérieur, rien ne laisse paraître que nous avons affaire à un abattoir… Ce lieu est souvent appelé 1933 – rapport à sa date d’inauguration.

Dans les années 1930, Shanghai était en pleine expansion. C’était une ville très riche dans un pays très riche. Il y avait encore à cette époque la concession internationale – née de la fusion de la concession américaine et de la concession britannique dans les années 1860 – et la concession française. C’est à la demande du gouvernement de la concession internationale que cet abattoir est créé.

Un premier abattoir en brique est construit sur ce terrain dans les années 1860 qui est vite insuffisant face à l’augmentation de la population et à l’évolution de ses goûts en terme de viande.

L’abattoir qui est construit dans les années 1930 devient le plus grand abattoir de l’extrême orient. Et le plus atypique également puisqu’il s’agit d’un abattoir construit sur cinq étages

Le bétail arrivait par le canal adjacent et entrait par cette porte. Les bêtes montaient ensuite elles-même dans les étages. Les animaux les plus lourds montaient le plus haut, jusqu’au cinquième étage.  

Des rampes d’accès crénelées, pour éviter aux animaux de glisser et nettoyer plus facilement, ont été construite et emmenaient les animaux d’étages en étages.

Les quelques hommes qui travaillaient là – environ 80 personnes pour un aussi grand abattoir! – pouvaient se protéger derrière des grilles si nécessaire. Les grilles permettaient aussi d’orienter les animaux vers différents parcours. 

Alors que la forme extérieur du bâtiment est un carré, à l’intérieur tout est en courbe et rond. C’est absolument déconcertant pour un abattoir. Les passerelles, que l’ont voit, permettent aux animaux de passer des étables – dans la structure carré extérieure – où ils patientaient, jusqu’au centre de l’abattoir pour être abattu – dans la structure ronde.

Les passerelles ont différentes largeurs en fonction de la taille des animaux qu’elles laissaient passer.

La partie centrale, là où l’on abattait les animaux, est de forme ronde. 

Le bâtiment rond central ne laisse absolument pas penser à un espace d’abattage.

Tout est rond et les surfaces au sol sont finalement petites. Apparemment c’était un abattoir très mécanisé pour l’époque. Je me demande même où ils ont pu installé des machines…

Dans tout le bâtiment, tout est très aéré, l’air entre partout, c’est quasiment un bâtiment à toit ouvert. Si on y ajoute le fait que tout le bâtiment a été construit en béton armé – ce qui est exceptionnel à l’époque, surtout pour un bâtiment d’une telle utilité – on peut s’imaginer que l’intérieur du bâtiment restait finalement relativement frais. Et c’était le cas en ce jour de visite où la pluie nous a accompagné. Il faisait plus froid dans le bâtiment qu’à l’extérieur.

Une fois abattues, les carcasses étaient jetées dans ces sortes de cheminées et descendaient seules, par la simple force de la gravité, jusqu’en bas. Avoir un abattoir de plusieurs étages permettait d’avoir toutes les carcasses qui arrivaient au même endroit et ainsi facilitait le transport jusque sur le canal avoisinant.

En face, les restes des carcasses dépecées étaient brûlées et on utilisait la chaleur ainsi produite pour produire l’électricité nécessaire aux machineries de l’abattoir.

De l’autre côté, on aperçoit encore les bâtiments administratifs et les logements des ouvriers. 

En arrivant, on passe à côté de l’hôtel Jiulong – des neufs dragons – qui remplace aujourd’hui les anciennes salles réfrigérées de l’abattoir.

Partout dans le bâtiment on retrouve des symboles bouddhiques. Le rond dans le carré en Chine représente le ciel et la terre. Partout des colonnes à huit côtés ornent le bâtiment. Comme si on voulait contrebalancer les horreurs qui se passent à l’intérieur du bâtiment… Une vision très chinoise finalement. L’équilibre. Le yin et le yang…

pour un style très occidental, d’ailleurs appelé le style cathédrale.

Aujourd’hui, le bâtiment est quasiment vide. Ne vous attendez pas à un musée. Il y a eu plusieurs tentaives pour en faire un lieu à la mode, mais rien n’a vraiment pris. Il y a des salles de bals, des magasins, mais rien n’est plus vraiment en activité depuis des années… Les Chinois n’aiment pas parcourir ce genre de lieu chargé d’histoire et de morts. Les mauvais esprits certainement…

Cette visite m’a interpellé. Je trouve ce bâtiment complètement fou au vu de son utilité et en même temps réfléchi dans les moindres détails pour faciliter le travail, la circulation de l’air, du bétail…

C’est vraiment une visite que je vous conseille pour comprendre la démesure de Shanghai, qui ne date finalement pas d’hier…

La visite s’est poursuivit dans le quartier attenant à l’abattoir. Nous avons longé le canal et pu observer les dernières maisons qui ont encore les pieds dans l’eau à Shanghai – une fois qu’elles auront été détruites, il faudra sortir du centre-ville vers les villes d’eau pour observer ce genre d’architecture…

Nous avons traversé le petit pont de Harbin Lu et nous sommes allés voir la jolie caserne des pompiers de HongKou qui date de la même période que l’abattoir.

Nous avons continué dans la rue en face de la caserne, la Wujin Lu. Nous sommes passé à côté de l’un des complexes Soho. Et puis devant cette jolie église protestante qui a été construit par les Japonais quand ils ont investit la concession internationale.

Et puis nous sommes rentrés dans un des nombreux lilongs qui borde la rue pour observer encore cette vie traditionnelle qui tend de plus en plus à se perdre dans le nouveau Shanghai…

En ressortant du lilong, nous avons tourné dans la rue à gauche, la Zhapu Lu, et nous sommes tombés sur le Pearl theatre. 

Il s’agit en fait d’un ancien temple japonais construit durant la période d’occupation des Japonais. Aujourd’hui, c’est un théâtre cabaret. 

Juste un peu plus loin dans la rue, une autre preuve du passage des Japonais par ce quartier, les restes de la porte d’entrée d’un temple shinto. 

Et puis au bout de la rue, au croisement avec la Haining Lu, on croise deux anciens cinémas de ce quartier, qui a été durant une centaine d’année et qui l’était encore il y a quelques années, LE quartier de la vie de la nuit à Shanghai. Aujourd’hui, tout a été fermé par les autorités chinoises, il n’en reste rien…

On a continué notre parcours dans la Zhapu Lu. Nous avons fait un crochet vers la droite dans la Kunchan Lu pour voir l’église catholique qu’ont fréquentées les trois soeurs Song (Ailing, QingLing et Meiling). Puis on a pris une rue sur la gauche, la Tanggu Lu, pour rejoindre la Sichuan Bei Lu. Nous avons continué notre route vers la Suzhou. 

Sur notre gauche, nous avons croisé cet énorme bâtiment de style art déco. Un autre bâtiment au lourd passé, puisqu’il s’agissait du siège de la police secrète japonaise où de nombreuses personnes ont été torturés ou assassinés…

Et puis, nous sommes arrivés au croisement avec la rivière Suzhou. Nous avons eu une magnifique vue sur le Bund et les tours de Pudong totalement prises dans les nuages bas…

Notre visite s’est terminée devant le bâtiment de la poste centrale de Shanghai.

J’adore découvrir Shanghai au travers de parcours historique comme celui-ci. Shanghai est une ville à l’histoire tellement riche et fascinante!

J’ai déja fait plusieurs visites dans ce quartier de HongKou – je vous avais d’ailleurs raconté ma visite du quartier juifet je me rend compte que c’est un quartier que je ne connais pas du tout en-dehors de ces visites et qui me semble vraiment très intéressant.

J’ai hâte de faire une prochaine visite, et je me suis d’ailleurs inscrite à une visite d’une journée de l’île de ChongMing le 1er novembre. Je suis ravie d’avoir repris un abonnement à Shanghai Accueil cette année. Et j’espère vous faire profiter de jolies photos!

Promenade Hongkou et le quartier de Tilanqiao

Par une froide matinée de la fin du mois de janvier, j’avais rendez-vous dans l’ancienne concession américaine, Hongkou, où je n’avais encore jamais mis les pieds depuis mon arrivée à Shanghai, pour une visite guidée du quartier de Tilanqiao. La température frôlait 0°C ce jour-là et nous avons même eu droit à des flocons de neige durant tout notre parcours – les premiers que je vois à Shanghai!

Notre guide était vraiment très intéressant. J’ai appris beaucoup de choses sur l’histoire des anciennes concessions qui me donne envie d’approfondir le sujet et de faire quelques recherches personnelles.

Nous avons commencé par visiter quelques Lilongs populaires et par parler de Frederick Townsend Ward et de la révolte des Taiping dans les années 1860.

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Nous sommes rentrés dans quelques cours qui ne payaient pas de mine de l’extérieur, mais qui révélaient de très jolies villas à l’intérieur, bien que pas rarement bien entretenues.

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Nous nous sommes promenés dans l’ancien quartier juif de Shanghai, nommé au courant de la seconde guerre mondiale, la zone désignée pour les réfugiés apatrides.

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La concession internationale de Shanghai était un endroit relativement sûr pour les Juifs à cette période, comparé à ce qui se passait dans le reste du monde. Ils étaient certes obligés de vivre dans la zone désignée pour les réfugiés apatrides, mais étaient surveillé par leur paires et pouvaient en sortir pour aller travailler dans d’autres quartiers. La municipalité de la concession internationale faisait de cette ville dans la ville une zone franche. Nul besoin de visa pour fuir l’Allemagne, un simple billet de bateau jusqu’à Shanghai suffisait. C’est ainsi qu’environ 20 000 juifs ont pu fuir l’Europe nazie et se réfugier à Shanghai.

A leur arrivée, ils étaient pris en charge par des associations caritatives juives américaines qui leur fournissaient vivres, argent, couverture et abris. Et lorsque le chef de la Gestapo, en visite à Shanghai, alors aux mains des Japonais, essaie de convaincre ses derniers d’appliquer la solution finale, il essuie un refus. Malheureusement, quelques mois avant la fin de la guerre, le quartier juif, et tout Hongkou d’ailleurs, sera bombardé par les Alliés.

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On trouve encore quelques traces de la présence des juifs allemands dans le quartier, comme ici le nom de la ruelle « Chusan Liegh » en fer forgé, mais les destructions vont bon train…

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Il y a quelques années, le premier ministre israélien est d’ailleurs venu inaugurer une plaque commémorative de ses événements dans le parc du volcan situé au coeur de ce quartier.

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Nous avons continué notre promenade et notre observation des bâtiments. Voici par exemple, le théâtre du quartier, une des plus belles façades art-déco de Shanghai, pourtant quasi-invisible derrière un amas de fils électriques et une affreuse enseigne de restaurant…

Mais Hongkou, c’est aussi l’ex-concession internationale et on repère ça et là l’influence européenne dans les constructions. Dans cette rue, on se croirait presque en Angleterre…

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Nous avons poursuivi notre visite en faisant le tour de la prison de Tilanqiao. Construite de 1901 à 1903, elle était alors la prison la plus grande et la plus moderne du monde. On y a pratiqué la peine de mort – par pendaison jusqu’au début du siècle dernier et depuis par balle. Aujourd’hui, il y a toujours quelques 1 000 ou 2 000 détenus dans la prison, mais il n’y a officiellement plus de mise à mort à l’intérieur de Shanghai – c’est la seule prison de Shanghai à l’intérieur de la ville.

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Enfin, nous avons pris le chemin du temple Xia Hai. Et en chemin, nous avons eu la chance d’assister à deux rites funéraires différents et distincts.

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En Chine, un des rites funéraires consistent à brûler de l’argent et des affaires du défunt dans la rue, devant la maison où il vivait, ou à l’endroit où il est mort. C’est ce que l’on peut observer sur la première photo. Sur les deux suivantes, il s’agit d’un autre rite funéraire. Les Chinois croient que l’autre monde est à l’image du nôtre. Il faut donc que le défunt emmène avec lui, une maison, une voiture, un canapé, une montre,… tout ce qui lui sera nécessaire dans sa nouvelle vie. Le tout est en carton et en papier pour brûler facilement.

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Le temple de Xia Hai était le dernier temple que les marins croisaient avant de prendre la mer en quittant Shanghai. C’est donc un temple qui était dédié aux marins pour les protéger avant de partir en mer. Aujourd’hui, le port est plus loin, même si des bateaux partent encore de Shanghai, mais le temple est toujours en activité.

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On peut observer dans les rues que l’on approche des fêtes de la Nouvelle année chinoise. En effet, un peu partout dans les quartiers populaires, les Chinois font sécher certains mets pour fêter la Nouvelle année. On trouve donc des poulets, des canards, des saucisses et même des poissons qui sèchent dans la rue depuis le début du mois de janvier…

Ce fut une très belle matinée de découvertes historique de Shanghai…