[Education bienveillante] Le temps des monstres et l’angoisse de séparation

Depuis une dizaine de jours, alors que nous étions encore en Alsace, Little Miss Sunshine s’est mise à refuser de dormir dans son lit. Impossible de la coucher vers 21h comme nous en avions l’habitude. Soit elle finissait par s’endormir sur le canapé et nous la couchions dans son lit ainsi endormie, soit elle finissait par dormir dans notre lit après une « bataille » aussi fatigante qu’inefficace à 23h.

Je n’ai pas eu les ressources nécessaires pour trouver une solution bienveillante entre la fatigue et la famille où chacun y va de son commentaire et de son conseil, impossible de réfléchir clairement et de prendre du recul sur la situation. J’avais le faible espoir que la situation s’arrangerait d’elle-même avec notre retour à Shanghai, ce qui a par le passé déja été le cas. Mais au fond de moi, je savais qu’on était passé dans une autre phase, que Little Miss Sunshine grandit et que de nouveaux défis se présentent à nous.

De retour à Shanghai, le problème ne s’est pas arrangé tout seul. Il a bien fallu que je me penche sérieusement sur la question. En prenant un minimum de recul sur la situation, j’ai bien compris que Little Miss Sunshine a vécu beaucoup de fortes émotions ces derniers temps. Sa première rentrée scolaire mi-octobre, prendre le bus seule depuis début décembre, le stress de voir régulièrement partir Papa Lou en déplacement, l’annonce de l’arrivée d’un petit frère, le retour en Alsace pour les fêtes de fin d’année, le changement de chambre et de lit réguliers en Alsace. Sans compter la difficulté de récupérer suite au décalage horaire…

Premièrement, j’ai essayé et réussi à nouer le dialogue avec Little Miss Sunshine. Elle m’a parlé d’un monstre qu’elle a vu dans sa chambre chez Papapa et Mamama – et dont elle m’avait parlé au moment même de l’événement. Un événement qui l’a plus marqué que ce que j’avais pensé au départ, même si j’avais tout de suite pris le problème au sérieux. Je n’ai malheureusement pas réussi à savoir s’il s’agissait d’un cauchemar ou de la peur d’une ombre dans la chambre. De manière plus générale, j’ai également essayé de la faire parler des moments importants qu’elle a passé ces derniers temps. Elle m’a parlé de ses grands-parents qui sont loin, de son futur petit frère, de Paris qui lui manque, …

Ensuite, nous avons choisi de lui proposer une petite lumière dans sa chambre, une veilleuse. Nous sommes allés ensemble acheter une petite veilleuse que Little Miss Sunshine a choisi elle-même. En parallèle, nous avons choisi une nouvelle tétine lumineuse pour la nuit et nous avons ressorti un petit éléphant lumineux que j’avais déja quand j’étais petite. Comme elle m’a parlé de la peur du noir, je pensais pouvoir la soulager un peu de cette manière.

Puis, nous avons décidé de dédramatiser la situation en créant une « chasse aux monstres ». Nous avons commencé par lui ré-expliqué que les monstres n’existent que dans les dessins animés et les histoires, que le monstre qu’elle avait cru voir n’était que le fruit de son imagination. Nous avons donc organisé une chasse aux monstres qui devait à l’origine se limiter à la chambre de Little Miss Sunshine, mais qui c’est finalement étendu à tout l’appartement à la demande de cette dernière. Je lui demandais simplement « Où te cacherais-tu si tu étais un monstre? » Et elle me nommait un endroit avant de courir vérifier qu’aucun monstre ne s’y trouvait. De temps à autre, j’ajoutais « Alors moi, si j’étais un monstre, je me cacherai ici ou là » et nous partions vérifier toutes les deux. Ce jeu a duré une bonne vingtaine de minutes, dans la joie et la bonne humeur. A la fin, nous avons conclu qu’il n’y avait effectivement pas de monstres dans la maison.

J’ai également ressorti les deux livres qui m’inspirent et m’aident le plus Au coeur des émotions de l’enfant et J’ai tout essayé d’Isabelle Filliozat. J’ai relu les parties traitant des peurs en général et de la peur des monstres en particulier. Ca m’a permis de relativiser, de me rappeler que tous les parents ou presque sont confrontés à cette peur des monstres.

Enfin, nous avons essayé de remettre en place un rituel du coucher qui avait été mis à mal depuis le début de ma grossesse et la fatigue intense que j’éprouvais tous les soirs. Notre rituel commence avec le repas du soir. Suit un premier moment calme durant lequel nous regardons un dessin animé court ou nous faisons un jeu. Puis nous mettons une couche, un pyjama et Little Miss Sunshine prend son lait sur le canapé. Enfin, nous prenons le chemin de sa chambre pour un second moment calme, elle choisit une ou deux histoires à lire, nous nous installons tous dans son lit et nous lisons les histoires. Après un dernier câlin et un dernier bisou, nous quittons la chambre et éteignons la lumière. Ce rituel a vraiment bien fonctionné jusqu’au mois d’octobre. Depuis, c’est Papa Lou qui a pris le relais seul – m’ôtant de fait du rituel parce que je dormais déja la plupart du temps – ou alors elle allait carrément se coucher seule parce que je dormais déja…Une petite fille très raisonnable en somme. Nous tentons donc de remettre ce rituel en place en y ajoutant l’allumage de la veilleuse et un dernier moment calme ou je me couche avec elle quelques minutes, le temps pour elle de se rassurer et de commencer à s’endormir, avant de quitter la pièce sur la pointe des pieds.

Little Miss Sunshine connait très bien nos limites en ce qui concerne le co-dodo. Chacun son lit, mais si elle a besoin de nous, si elle a un souci, elle sait qu’elle peut venir nous rejoindre à n’importe quel moment la nuit. Le souci est juste qu’elle est en pleine phase d’angoisse de séparation. Le bébé à venir, l’absence régulière de Papa Lou, le fait que nous nous soyons un peu effacé au profit des grands-parents durant ses quinze jours, on fait naître cette angoisse. En parallèle, Little Miss Sunshine est également en pleine recherche de nos limites.

Le premier soir a été difficile. Le début du rituel s’est très bien passé. Nous avons expliqué et ré-expliqué plusieurs fois au courant de la journée le déroulement de notre soirée et le rituel du coucher. Elle a approuvé à plusieurs reprises de dormir dans son lit suite à la chasse aux monstres et à l’allumage d’une veilleuse ce qui était déja une grande avancée en soi. Là où ça s’est compliqué, c’est au moment de mettre le pyjama et de prendre le lait. Refus catégorique. Elle nous a clairement dit que c’est parce qu’elle ne voulait pas se coucher seule dans son lit. Nous avons longuement négocié, nous l’avons laissé choisir le moment, elle a même fini par accepter de mettre son pyjama, prendre son lait et a choisi deux histoires. Mais il a été impossible de la faire entrer dans sa chambre. Les négociations, l’attente, rien n’y a fait. Finalement, Papa Lou l’a porté jusque dans son lit et c’est là que le bras de fer a commencé. Pleurs, cris, coups, hurlement, colère, elle nous a tout fait. Je n’ai pas réussi à gérer ses émotions. J’ai dû sortir de la pièce. Papa Lou a très bien réagi. Il s’est assis devant la porte fermée, dans la chambre avec elle et l’a laissé crier, hurler et tenter de le déloger en lui répétant qu’il l’aimait jusqu’à ce qu’elle finisse par se calmer. Ca a pris une bonne quinzaine de minutes. Elle a fini par se calmer. Elle m’a alors réclamé. Je lui ai demandé de se mettre au lit et lui ai promis de lui lire ses deux histoires dès qu’elle y serait. Et ça a marché! Nous avons lu les deux histoires, fait beaucoup de câlins, elle a accepté que l’on éteigne la lumière et que je reste quelques minutes à côté d’elle. Elle s’est endormie en un temps record. J’ai quitté la chambre sur la pointe des pieds… Rien n’était gagné, mais c’est un début. Elle est finalement venu nous rejoindre en pleurs dans notre lit 2h plus tard.

Le jour suivant, nous n’avons jamais réussi à la mettre dans son lit. Encore une fois, au moment de lire l’histoire tout s’est compliqué. Cris, hurlements, coups… Impossible de la faire entrer dans sa chambre. Je me suis finalement enfermée dans sa chambre avec elle, assise devant la porte pour la bloquer et j’ai essayé de lui parler. Elle semblait terrorisée. Elle a réellement peur du noir et des monstres. Elle a fini par s’apaiser dans mes bras, mais j’ai réussi à lui faire dire pas mal de choses. La veilleuse ne lui suffit pas. Elle m’a réclamé une lampe de poche – découverte chez GrandPapa – en me promettant de dormir dans son lit le jour où elle en aurait une. Je ne pense pas que ce sera une solution miracle, mais comme c’est elle qui l’apporte, je l’ai acheté dès le lendemain. Malheureusement, elle a encore passé la nuit dans notre lit…

Le troisième jour, elle a repris l’école. Elle est donc rentrée bien fatigué de sa journée. Je lui a tout de suite montré sa nouvelle lampe de poche qu’elle s’est empressée d’essayer. Nous avons joué toutes les deux. J’ai essayé de mettre en scène une situation équivalente à la nôtre chaque soir alors qu’elle jouait à Papa et Maman avec ses peluches. Je lui ai demandé où dort son bébé, si il reste tout le temps avec elle et le Papa dans le lit, comment ils font quand ils ont envie d’être juste tous les deux, si son bébé accepte de dormir dans son lit… Elle a très bien répondu à chacune des questions. Pour la dernière, elle m’a dit que le bébé avait un peu peur du noir, qu’il venait souvent les rejoindre et que c’est le Papa qui lui explique qu’il faut dormir dans son lit car elle est trop fatiguée… Mais encore une fois, après son lait, il a été impossible de la mettre dans son lit. En désespoir de cause, j’ai tenté une nouvelle alternative. Une alternative qui nous permet d’être seul Papa Lou et moi dans notre lit, mais pas dans notre chambre. Nous avons installé un lit de fortune avec des matelas à même le sol à Little Miss Sunshine. Elle a été ravie. Mais au moment d’éteindre la lumière vers 21h30, elle ne voulait toujours pas rester seule dans la chambre. Même avec la lampe de chevet allumée, la porte ouverte et sa lampe de poche. Elle a veillé jusqu’à 23h. Mais a fini par rester dans la chambre après une dizaine d’aller-retour vers le salon. Inutile de vous dire la difficulté du réveil le lendemain à 7h…

Je dois bien avouer que je suis un peu désemparée face à cette situation. Je crois que j’ai essayé tout ce que je pouvais et que rien n’y fait. J’ai fini par croire qu’il faut que nous lâchions prise et que nous la laissions dormir avec nous quelques temps. Le temps qu’elle se rassure, qu’elle se sente à nouveau en sécurité. Mais j’ai peur que ça n’empire que les choses, qu’elle ne veuille plus du tout aller dans son lit et que le bébé arrive. J’ai peur aussi de ne pas lui rendre service en ne l’aidant pas à vaincre sa peur, en la surprotégeant. Et puis c’est clairement un besoin pour Papa Lou et moi de nous retrouver à deux dans notre lit, pour avoir un minimum d’intimité avant l’arrivée du nouveau bébé.

Si vous êtes passé par là, si vous avez des conseils, des idées, je suis preneuse…

Promenade Hongkou et le quartier de Tilanqiao

Par une froide matinée de la fin du mois de janvier, j’avais rendez-vous dans l’ancienne concession américaine, Hongkou, où je n’avais encore jamais mis les pieds depuis mon arrivée à Shanghai, pour une visite guidée du quartier de Tilanqiao. La température frôlait 0°C ce jour-là et nous avons même eu droit à des flocons de neige durant tout notre parcours – les premiers que je vois à Shanghai!

Notre guide était vraiment très intéressant. J’ai appris beaucoup de choses sur l’histoire des anciennes concessions qui me donne envie d’approfondir le sujet et de faire quelques recherches personnelles.

Nous avons commencé par visiter quelques Lilongs populaires et par parler de Frederick Townsend Ward et de la révolte des Taiping dans les années 1860.

P1110467

Nous sommes rentrés dans quelques cours qui ne payaient pas de mine de l’extérieur, mais qui révélaient de très jolies villas à l’intérieur, bien que pas rarement bien entretenues.

P1110468

Nous nous sommes promenés dans l’ancien quartier juif de Shanghai, nommé au courant de la seconde guerre mondiale, la zone désignée pour les réfugiés apatrides.

P1110470

P1110471

La concession internationale de Shanghai était un endroit relativement sûr pour les Juifs à cette période, comparé à ce qui se passait dans le reste du monde. Ils étaient certes obligés de vivre dans la zone désignée pour les réfugiés apatrides, mais étaient surveillé par leur paires et pouvaient en sortir pour aller travailler dans d’autres quartiers. La municipalité de la concession internationale faisait de cette ville dans la ville une zone franche. Nul besoin de visa pour fuir l’Allemagne, un simple billet de bateau jusqu’à Shanghai suffisait. C’est ainsi qu’environ 20 000 juifs ont pu fuir l’Europe nazie et se réfugier à Shanghai.

A leur arrivée, ils étaient pris en charge par des associations caritatives juives américaines qui leur fournissaient vivres, argent, couverture et abris. Et lorsque le chef de la Gestapo, en visite à Shanghai, alors aux mains des Japonais, essaie de convaincre ses derniers d’appliquer la solution finale, il essuie un refus. Malheureusement, quelques mois avant la fin de la guerre, le quartier juif, et tout Hongkou d’ailleurs, sera bombardé par les Alliés.

P1110478

On trouve encore quelques traces de la présence des juifs allemands dans le quartier, comme ici le nom de la ruelle « Chusan Liegh » en fer forgé, mais les destructions vont bon train…

P1110472

Il y a quelques années, le premier ministre israélien est d’ailleurs venu inaugurer une plaque commémorative de ses événements dans le parc du volcan situé au coeur de ce quartier.

P1110473

Nous avons continué notre promenade et notre observation des bâtiments. Voici par exemple, le théâtre du quartier, une des plus belles façades art-déco de Shanghai, pourtant quasi-invisible derrière un amas de fils électriques et une affreuse enseigne de restaurant…

Mais Hongkou, c’est aussi l’ex-concession internationale et on repère ça et là l’influence européenne dans les constructions. Dans cette rue, on se croirait presque en Angleterre…

P1110474

Nous avons poursuivi notre visite en faisant le tour de la prison de Tilanqiao. Construite de 1901 à 1903, elle était alors la prison la plus grande et la plus moderne du monde. On y a pratiqué la peine de mort – par pendaison jusqu’au début du siècle dernier et depuis par balle. Aujourd’hui, il y a toujours quelques 1 000 ou 2 000 détenus dans la prison, mais il n’y a officiellement plus de mise à mort à l’intérieur de Shanghai – c’est la seule prison de Shanghai à l’intérieur de la ville.

 P1110484 P1110487

P1110491

Enfin, nous avons pris le chemin du temple Xia Hai. Et en chemin, nous avons eu la chance d’assister à deux rites funéraires différents et distincts.

P1110490

P1110492

P1110495

En Chine, un des rites funéraires consistent à brûler de l’argent et des affaires du défunt dans la rue, devant la maison où il vivait, ou à l’endroit où il est mort. C’est ce que l’on peut observer sur la première photo. Sur les deux suivantes, il s’agit d’un autre rite funéraire. Les Chinois croient que l’autre monde est à l’image du nôtre. Il faut donc que le défunt emmène avec lui, une maison, une voiture, un canapé, une montre,… tout ce qui lui sera nécessaire dans sa nouvelle vie. Le tout est en carton et en papier pour brûler facilement.

P1110500

P1110498

P1110503

P1110501

Le temple de Xia Hai était le dernier temple que les marins croisaient avant de prendre la mer en quittant Shanghai. C’est donc un temple qui était dédié aux marins pour les protéger avant de partir en mer. Aujourd’hui, le port est plus loin, même si des bateaux partent encore de Shanghai, mais le temple est toujours en activité.

P1110489

P1110477

P1110476

On peut observer dans les rues que l’on approche des fêtes de la Nouvelle année chinoise. En effet, un peu partout dans les quartiers populaires, les Chinois font sécher certains mets pour fêter la Nouvelle année. On trouve donc des poulets, des canards, des saucisses et même des poissons qui sèchent dans la rue depuis le début du mois de janvier…

Ce fut une très belle matinée de découvertes historique de Shanghai…