[Bienveillance éducative] Les principes éducatifs à l’épreuve de l’expatriation

Je ne reviendrai pas dans cet article, sur ce qui se passe chez nous au quotidien, sur la manière dont nous avons mis en place bienveillance, écoute active et non-violence et sur la manière dont nous essayons au mieux de l’appliquer chaque jour. Mais confrontés à un contexte nouveau, face à notre expatriation, surtout dans les premiers temps, quand on est encore totalement face à l’inconnu, on est malheureusement obligé de faire des aménagements, de tâtonner, de faire des erreurs,  de se remettre en questions sur notre manière de réagir à l’extérieur. Laissez-moi vous conter un des principal questionnement qui m’a obnubilé durant plusieurs semaines suite à notre arrivée en Chine.

Je ne vous apprend certainement rien, mais en Chine, les blonds et les châtains clairs ne courent pas vraiment les rues. Alors quand on arrive en Chine avec une jolie blonde de deux ans et demi, d’un coup tous les regards se tournent vers nous. Tant que ce ne sont que les regards, ça passe encore. Mais très vite, ce sont les appareils photos et les mains de tous les passants aussi.

Moi qui ait éduqué Little Miss Sunshine dans le respect de son corps, ça m’a beaucoup pesé. Je vous explique. Depuis toute petite, elle sait que son corps lui appartient, que personne ne peut la toucher, l’embrasser, la prendre dans les bras si tel n’est pas son désir. Il est important qu’un enfant sache que son corps appartient à lui seul et que personne ne peut en disposer selon son bon vouloir. Cela implique par exemple que nous avons très tôt mis en place, le principe du « bisou de loin », avec la main, lorsque Little Miss Sunshine n’avait pas envie d’embrasser nos amis, ses grands-parents ou ses arrières-grands-parents. Pas toujours facile de le faire comprendre autour de nous, surtout dans la famille. Mais un enfant n’est pas un jouet. Et ce n’est pas parce qu’on aime la douceur de la peau des bébés qu’on doit s’autoriser à les toucher contre leur gré, sans leur avis. Autre exemple, je me suis longtemps battus avec les passants dans la rue à Paris, souvent des personnes âgés d’ailleurs, qui voulaient toucher les pieds, les mains, les joues de Little Miss Sunshine. Je trouvais ça tellement déplacé, sans compter du problème d’hygiène qui se pose également à chaque fois. De ce point de vue, le seul endroit où Little Miss Sunshine a toujours été en sécurité, c’est contre moi, sur le ventre, dans l’écharpe ou le porte-bébé physiologique.

A Shanghai, c’est différent. Déja il y a le problème de communication. Et puis le problème de culture – ça porte bonheur de toucher un/une blonde! Et puis, nous voilà à vouloir vivre dans un pays de culture totalement différente de la nôtre, et pour moi, c’est à nous de nous adapter aux moeurs chinoises et pas l’inverse. Little Miss Sunshine est vite devenue agressive face à tous ces Chinois qui voulaient la toucher et/ou la photographier. Mon pire souvenir est une promenade sur le Bund, où nous nous sommes retrouvées entouré de dix-neuf personnes avec des téléphones portables qui nous filmaient ou nous photographiaient tout en nous bloquant le passage pour qu’on ne puisse pas aller plus loin… Dans un premier temps, la seule alternative que j’ai pu offrir à Little Miss Sunshine était mes bras. Elle enfouissait alors la tête contre mes seins pour que les photos cessent, mais les gens venaient alors souvent vers nous pour la toucher et nous devions littéralement nous enfuir… J’ai été très étonnée que Little Miss Sunshine, qui ne connaît pas la violence, se soit mis à répondre par des tapes de la main ou du pied aux gens qui s’approchaient trop près d’elle. C’est là que j’ai compris qu’elle le vivait vraiment comme une agression. Et qu’elle avait raison…

Soucieuse de lui dire clairement ce qui se passait, je lui ai expliqué clairement que les Chinois aimaient voir sa peau claire et ses cheveux blonds parce que c’était rare en Chine, qu’ils étaient très maladroit dans leur manière faire, mais que nous ne pouvions pas comparer puisque nous n’avons pas la même culture, que j’étais là pour elle, qu’il ne fallait pas qu’elle se laisse faire et que mes bras étaient toujours ouverts. Grâce à la répétition de cette explication, nous avons réussi à combattre l’incompréhension, mais nous n’avons de loin pas réglé le problème.

Quelques semaines, après notre arrivée, une Maman m’a donné un bon conseil pour éviter les photos. L’enfant doit mettre sa main sur sa bouche et son nez, mais pas sur ses yeux – comme Little Miss Sunshine avait commencé spontanément à le faire pour se cacher – pour que ça n’entrave en rien sa liberté de mouvement. Et ça marche! Après de rapides explications, Little Miss Sunshine a tout de suite adopté ce geste simple. Et les Chinois comprennent. Pour ceux qui la touche, j’ai demandé à Little Miss Sunshine de prendre leur main et de l’enlever avant de venir se réfugier chez moi. Elle avait tendance à taper. Et ce simple geste – qu’elle a tout de même parfois du mal à pratiquer sans violence, mais je la comprend! – l’a beaucoup aidé. Les gens n’osent pas recommencer en général.

Et puis sa compréhension du Chinois a aussi quelque peu apaisé sa relation avec ces-derniers. Cette situation a été quelque peu stressante pour moi et pour Little Miss Sunshine. Elle aura duré quelques semaines, m’aura valu quelques réveils nocturnes et beaucoup de triturage de méninges, mais je suis ravie de la manière dont nos sorties se passent aujourd’hui. Nous avons trouvé des solutions simples et efficaces, en accord avec nos idéaux

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