Une des grandes conséquences de notre expatriation pour Little Miss Sunhsine est qu’elle a été plongée dans un milieu multilingue. Du jour au lendemain, elle est passée d’une langue, le Français, avec parfois un peu d’Alsacien – notamment lors de notre long séjour en Alsace et de la venue de ses grands parents – à un milieu trilingue: Chinois, Anglais et Français.
Depuis mi-octobre, Little Miss Sunshine a fait sa première rentrée dans une école internationale. Elle suit un cursus bilingue et passe donc la moitié de sa semaine en Français et l’autre moitié en Chinois. Elle est également inscrite à la danse tous les lundis où son professeur ne parle qu’Anglais et elle est amenée à rencontrer du personnel et des enfants qui ne parlent qu’Anglais à l’école. Nous passons nous-même nos journées à nous exprimer en Anglais et un peu en Chinois avec les personnes que nous croisons.
Les professeurs de Little Miss Sunshine ne cessent de me parler de ses progrès et de ses efforts pour parler Chinois. Pourtant, quand je lui demande si elle a appris des mots en Chinois, elle me répond invariablement: « Mais Maman, je suis Française moi! » Même réponse à son père quand il essaie de travailler son Chinois avec elle. Impossible de lui faire dire le moindre mot en Chinois devant nous. Ce qui n’est en soit absolument pas anormal, mais quelque peu frustrant pour les parents! Par contre, en l’observant je suis tout à fait rassurée sur sa compréhension de cette nouvelle langue. Elle est beaucoup plus à l’aise avec les gens qui viennent vers elle en lui parlant Chinois, moins sur la défensive, moins agressive, et je l’ai récemment surprise à répondre à une question d’un chauffeur de taxi. De temps à autre, pour mon seul plaisir, je l’observe de loin quand je vais la chercher à l’école, entrain de communiquer avec sa maîtresse chinoise…
Avec l’Anglais, ce n’est pas la même chose. Elle dit assez spontanément des mots en anglais devant nous. Peut être parce que nous lui racontons de temps à autre des histoires dans cette langue ou parce qu’elle sait que nous comprenons cette langue parce que nous la parlons quotidiennement à l’extérieur. Et là, je peux facilement observer ses progrès.
Je pense qu’en tant que parent, nous projetons inconsciemment ou pas, d’énormes attentes sur nos enfants en ce qui concerne les langues dans le cadre d’une expatriation. Nous savons la richesse que cela peut être. L’enfant n’y voit qu’une utilité pour la communication avec ses camarades, ou pas. Nous savons aussi la complexité de l’apprentissage d’une nouvelle langue comme le Chinois à l’âge adulte. Alors qu’avant huit ans, un enfant a la capacité d’apprendre une langue naturellement, sans effort et n’est absolument pas limité dans le nombre de langues qu’il peut apprendre en parallèle. Mais malgré toutes nos attentes, il faut rester à l’écoute de notre enfant. L’apprentissage d’une nouvelle langue, c’est aussi l’apprentissage d’une nouvelle culture. Après le départ de son pays d’origine, l’enfant peut vivre l’apprentissage d’une nouvelle culture comme une réelle trahison à l’égard de sa culture maternelle.
Alors je reste à l’affut. Le Français est et restera toujours la seule et unique langue dans laquelle nous nous exprimerons à la maison, comme cela l’a été jusqu’à présent. Bien sûr, je rêve de voir Little Miss Sunshine se débrouiller facilement et naturellement en Chinois. Je ne vois que la facilité que ça lui apportera à apprendre d’autres langues, l’importance qu’une telle langue pourra avoir plus tard sur son CV, la richesse et l’ouverture d’esprit qu’une telle expérience pourra lui apporter. Mais peut être que ça n’arrivera pas. Peut être qu’elle décidera qu’il est plus facile pour elle de continuer à parler Français avec ses camarades qui parlent tous Français dans sa classe, peut être qu’elle ne verra aucune utilité à l’apprentissage du Chinois. Mais ça,… seul le temps nous le dira!